Les Droits de la Nature, la Corse à la pointe. L’exemple de Tavignani



Inscrire les entités naturelles dans le Droit, octroyer une personnalité juridique à Tavignani, l’idée a toutes les apparences d’une élucubration empreinte de mysticisme écologique. Et pourtant, le projet fait son chemin et les premières réalisations sont bien là, des exemples similaires de partout dans le monde. Sur le sujet, la Corse n’est pas en reste. Grâce à la détermination du monde associatif, le fleuve Tavignanu est devenu en France le point focal de l’expérimentation du Droit de la Nature. A l’invitation de membres du collectif Tavignanu Vivu, l’Accadèmia di u cumunu organisait le 9 octobre dernier son premier Attellu avec pour objectif de comprendre et d’accompagner - par l’expérimentation- l’établissement de communs en Corse. Robba dresse les enseignements de la rencontre entre les deux collectifs.



Toyota Hokkei
Toyota Hokkei
C’est à une nouvelle génération de Droits qu’appellent les juristes de l’association « Notre affaire à tous ». Dans un ouvrage collectif, Camille de Toledo explique que le Droit de l’environnement s’est construit autour de l’idée de l’homme protecteur de la Nature. Ce faisant, les autres vivants de la planète ne trouvent d’existence juridique que sous le prisme réducteur des activités et des projets de la seule espèce humaine. Selon lui, face aux crises écologiques, notamment à la chute de la biodiversité, la matrice culturelle à l’origine du Droit doit changer. Il n’est plus possible de tenir, sans être choqués, que « seuls les artefacts humains, les entreprises, les États, le capital peuvent prétendre au statut de sujet de Droit ». Autant de composantes qui contribuent à l’agression systématique des autres vivants de la planète.
Le mouvement en faveur des Droits de la nature trouve un nombre croissant d’alliés du fait de l’avancée des sciences, « de l’éthologie, la botanique, l’anthropologie, qui obligent à écouter d’autres langages et d’accorder une plus grande attention aux traditions indigènes », « ces peuples sentinelles » dont la cosmogonie ne connait pas le dualisme spéciste qui emprisonne le Droit de l’environnement. Pour aider à la transition d’un « Droit protecteur » à un « Droit perspective ouvert à de nouvelles ontologies », il convient de donner une force sociale aux autres espèces qui peuplent la Terre. C’est pour soutenir ce changement de paradigme que le fleuve Tavignanu est cité en exemple avec 63 autres dans le monde par l’organisation Earth Law Center, composée de juristes œuvrant pour la reconnaissance des Droits juridiques aux écosystèmes naturels.
 

La déclaration des Droits du fleuve Tavignanu du 29 juillet 2021

La mobilisation prend pour origine le projet d’enfouissement de déchets ménagers et assimilés, de déchets amiantés et de terres amiantifères porté par la société Oriente Environnement. Le projet est sur un terrain potentiellement instable et localisé dans un méandre du fleuve. En 2021, après six ans de lutte publique et de mobilisations locale et nationale (consultation citoyenne), le collectif d’associations réunissant Tavignanu Vivu, Umani et Terre de Liens Corsica décide, avec l’appui des juristes de l’association Notre affaire à tous, de rédiger la Déclaration des Droits du fleuve Tavignanu. Il s’agit d’une première en France dont se font l’écho de nombreux médias nationaux. 
Le succès de la démarche se traduit aujourd’hui par le soutien de personnalités politiques en Corse et en France, dont une dizaine de collectivités parmi lesquelles figurent des grandes villes, faisant du Tavignanu la figure de proue du Droit des fleuves. Enfin, en novembre de la même année, le Conseil municipal de Bastia et la Collectivité de Corse apportent leur soutien à la Déclaration. C’est ainsi que la lutte des habitants de la vallée du Tavignanu prend la forme d’une résistance face aux décisions défavorables successives des tribunaux. Les récentes décisions de justice démontrent que l’État lui-même peut être mis en échec lorsqu’il s’agit de défendre les entités naturelles[1].

L’exemple de la mobilisation du Tavignanu met en évidence la difficulté que rencontre un État de Droit à intégrer toutes les composantes d’un écosystème productif. Pour l’heure, le cas du Tavignanu doit être considéré comme un échec du Droit au regard des nuisances probables. Cela incite à expérimenter d’autres formes d’organisations citoyennes agissant en contrepoint du Droit, ayant pour visée de fortifier l’opinion publique face à des lobbies souvent bien plus puissants que les associations environnementales et que l’État lui-même.
L’installation d’une démocratie environnementale suppose d’accorder aux citoyens un accès au juge aujourd’hui fortement limité, notamment au sein de l’UE. Plusieurs obstacles font barrage à une action en justice citoyenne. Les spécialistes soulignent les difficultés procédurales pour obtenir l’agrément de protection de l’environnement nécessaire aux associations, le lobbying des parties prenantes et des intérêts d’exploitation, ou encore la spécificité du contentieux administratif lequel n’est pas ouvert à l’actio popularis, c’est-à-dire à l’attribution d’une possibilité d’agir à tout citoyen.
C’est à partir de ce constat que trente-quatre personnes se sont réunies le 9 octobre 2022 à Aleria pour construire une réponse organisée dans l’espace public face au projet d’enfouissement de déchets de Ghjuncaghju. L’atelier de réflexion s’est tenu à l’initiative commune de l’Accadèmia di u Cumunu et de membres du collectif Tavignanu Vivu. En voici le Compte-rendu et quelques enseignements.
 
[1] Les prescriptions portées par le Préfet de région visant à réduire la probabilité des impacts écologiques n’ont pas été retenues par décision du Tribunal de Bastia du 18 novembre 2022.
 

L’accademia di u cumunu : un projet et une méthode

C’est dans les termes qui suivent que l’atelier est présenté par un représentant de l’Accadèmia : « Dans la campagne à côté d’Athènes il y avait un jardin, et dans ce jardin une stèle consacrée à un jeune héros mort pour la patrie : Académos (ou Akádêmos). S’y élaborait une pensée dont nous sommes en quelque sorte les héritiers ». Il fallait bien une origine antique pour répondre aux extraordinaires défis que nous lance l’anthropocène. Il fallait l’antériorité nécessaire pour concevoir l’action sur la planète Terre, désormais façonnée par les activités humaines.
Le projet de l’Accadèmia di u cumunu est le fruit d’une double inspiration, celle de la « Terra di u cumunu », épisode emblématique du XIVe siècle, et celle des académies italiennes qui s’est traduite en Corse par l’Accadèmia di i vagabondi. La connexion entre ces deux marqueurs de l’histoire de la Corse trouve une pertinence au regard des enjeux contemporains. Elle est réalisée par l’Accadèmia autour de la notion de termini qui associe des repères au carrefour des usages, du Droit coutumier et de l’exercice politique. I termini sont les limites d’un territoire d’usages définis par les anciennes communautés villageoises.

La fonction qui leur est donnée ici est de repérer le champ d’action et les activités en prenant en compte les dimensions de la Corse, les désirs et les capacités de ses habitants, ainsi que ses traits biogéographiques. I termini balisent les orientations de la politique de l’Accadèmia fondée sur le trépied de l’Écologie territoriale, de l’Autonomie solidaire et de la Démocratie contributive.
L’ambition est de contribuer à l’émergence d’une opinion consciente des urgences et confiante en sa capacité critique. Cela suppose de produire des prises pour une action collective et organisée, et des enseignements méthodologiques susceptibles d’être transposés d’un territoire à un autre. Le Tavignanu a attiré l’attention des membres de l’Accadèmia parce qu’il répond aux caractéristiques d’un commun en cours de constitution et potentiellement en sujet de Droit. Tavignani, dans son statut de personne juridique, illustre une figure pertinente qui associe les communs à l’écologie politique.
 

Le récit : un instrument de mise en perspective

Le travail de mise en récit est mobilisé par l’Accadèmia comme un instrument de formalisation des points de vue sur l’usage et le devenir d’un commun. Son objectif est d’exposer mais également de contenir les énoncés relatifs à l’histoire, à l’actualité et les enjeux du commun en cours d’établissement. La mise en récit est également pour l’Accadèmia une mise à l’épreuve de la cohésion de la communauté se posant comme porte-parole gestionnaire du commun. Les récits successifs s’élaborent dans le cours d’ateliers d’expérimentation auxquels sont conviés une variété de contributeurs agissant dans des registres d’expression du commun différents. Il peut s’agir de matériaux conceptuels, de conférences, de débats, d’expériences sensibles, d’expositions, de concerts ou d’autres opérations collectives (operate). Les ateliers sont itinérants de façon à être au plus près des habitants et des territoires d’élaboration (Termini).
Le prérequis est la réunion de contributeurs qui partagent la même intention de construire un commun. C’est-à-dire un milieu doté de ressources dont les usages sont soumis à une gouvernance, des Droits et des obligations, inclusive des autres vivants. Les ateliers visent à la construction d’un récit prospectif comportant les éléments consensuels et les controverses afin de dégager les scénarios possibles pour l’habitabilité et les usages du commun.
 
Dans le cas de l’Attellu Tavignani la méthodologie, expérimentée à Aleria, s’est traduite par l’animation d’une scène constituée de trois figures parties prenantes de ce qu’il faut appeler le socioécosystème Tavignanu. C’est-à-dire un milieu productif et d’usages composé d’une diversité d’espèces, dont les hommes, ayant une activité orientée par la nécessité de survivre.
La figure du porte-parole de l’écosystème productif Tavignanu était représentée par deux membres du collectif Tavignanu Vivu. La figure de l’habitant ou de l’usager, mobilisant les ressources du Tavignanu, était incarnée par un agriculteur producteur de clémentines. Et enfin, la figure de l’expert, défini ici comme une personne-ressource assurant une fonction de mémoire et de comparaison, en capacité de mettre en perspective le devenir du fleuve. Une figure personnifiée à Aleria par deux juristes engagées dans l’instauration d’un Droit de la Nature.
Enfin, la méthodologie prévoit une animation visant à constituer l’auditoire comme l’homologue d’une assemblée de citoyens et comme expression de la pluralité des points de vue.
 

Les échanges de l’attellu d’Aleria

L’attellu débute par l’exposé des faits et par l’expression de l’opinion de membres du collectif Tavignanu vivu. En voici les termes : « Nous avons appris il y a 7 ans l’existence d’un projet de centre d’enfouissement de déchets ménagers et de terres amiantifères sur une zone inadaptée, que les habitants appellent "La montagne qui marche". Nous pensons qu’il n’est pas raisonnable d’accorder une autorisation au projet d’enfouissement. Les expertises démontrent l’instabilité du terrain. Nous avons entamé les démarches juridiques jusqu’au Conseil d’état et pour l’instant on a perdu... Nous sommes conscients qu’il y a besoin d’un centre d’enfouissement et qu’il y a une crise des déchets mais quand on dit "pas ici", c’est parce qu’on sait que ça serait une ruine pour ce fleuve... On a entendu parler des Droits de la nature et on s’est dit que c’était peut-être une autre solution pour défendre le fleuve. On souhaite maintenant faire entendre cette autre voix à travers la déclaration des Droits du Tavignanu ».

L’atelier se poursuit par l’expression des habitants. Un agriculteur d’Antisanti, dont les terres sont situées à 200 m du projet de centre d'enfouissement, témoigne des efforts qu’il déploie pour s’adapter aux principes de l’agroécologie, notamment par la réduction de la consommation en eau de sa culture d’agrumes. Selon lui, si le projet se réalise ou si d’autres éléments perturbent le fleuve, « c’est une catastrophe pour l’agriculture de la région. Le risque va jusqu’à la perte du label IGP au cas où la qualité de l’eau d’irrigation se dégraderait ».

Ce sont ensuite les experts qui donnent des informations sur les insuffisances du Droit actuel et sur ses conséquences pour le Tavignanu. Le changement de paradigme que commandent les Droits de la nature consiste en une transformation de la matrice culturelle par l’intégration de notre rapport au vivant. « Le Droit est le reflet de l’état de conscience d’une société à un moment donné ». Doter une entité naturelle ou un écosystème d’une personnalité juridique la fait « passer du statut d’objet à celui de sujet de Droit ».
De façon concrète, cela peut s’exprimer par la désignation de gardiens du milieu, ayant possibilité d’agir en justice pour défendre les droits du fleuve et de donner une opérationnalité à la déclaration. Devant le juge, une symétrie entre les intérêts humains et ceux non-humains, ceux du fleuve, peut être ainsi trouvée. D’autres moyens de lutte au plan européen sont envisagés en termes de lobbying auprès des États et du Parlement européen, ce qui peut prendre la forme d’une plainte au niveau de la Commission européenne. En France, le conseil d’État vient de rendre une décision importante qui établit « le Droit de vivre dans un environnement équilibré et sain constitue une liberté fondamentale » ce qui peut être invoqué dans le cadre d’un "référé liberté". Les liens entre santé et environnement sont de plus en plus prégnants. Mais cela ne doit pas faire oublier la « nécessité tactique de faire valoir auprès des juridictions le préjudice économique (surfaces agricoles concernées, risque qualité) bien plus écouté que les autres usages ». Les usages non économiques relèvent de stratégies juridiques de plus long terme.

L’atelier est également le moment d’expression du vécu d’habitants aujourd’hui engagés dans le combat du collectif. Fils de viticulteur à Casaperta, ce membre de Tavignanu vivu apporte son vécu : « Dès l’âge de 4 ans j’ai grandi dans ce bassin versant, c’est dans cette rivière que j’ai appris à nager, que nous allions passer les mercredis avec nos amis, où j’ai appris à pêcher avec des personnes plus âgées. L’eau y était propre, ma grand-mère y lavait la laine de mouton qui garnissait les matelas. Aujourd’hui il est impensable d’utiliser cette eau de la sorte, elle est trop polluée. En 50 ans, cette rivière n’a subi que des agressions : stations d’épurations, nouvelles carrières, barrage inopérant, station de fabrication de bitume, échelle à poissons… C’est tout l’imaginaire, toute mon enfance, ma personnalité qui se sont construits avec Tavignanu. Aujourd’hui tout ça n’existe pas, ou n’existe plus. C’est ce qui m’a conduit à rentrer dans cette lutte ».

Que doit-on attendre des institutions comme le comité de bassin mis en place en 2018 ? Sa composition et ses missions le positionnent comme un petit parlement de l’eau. Il réunit différents collèges, des collectivités, des usagers, des personnes qualifiées et des socioprofessionnels. Il est rapporté que le collectif n’a pas eu d’échanges avec le comité de bassin. « Le constat de notre combat aujourd’hui est le suivant! il y a beaucoup d’annonces et peu d’effets. La représentation par délégation nous laisse parfois un peu sur notre faim ». Selon les juristes présentes, « les comités de bassin n’interviennent jamais dans un cas comme celui de Tavignanu. Une demande de positionnement est nécessaire... »

Pour ce qui concerne la déclaration des Droits du Tavignanu, malgré le soutien de 25 maires et de la Collectivité de Corse, cela reste du « Droit souple ». Il est nécessaire de la rendre plus contraignante juridiquement en l’annexant à des documents d’urbanisme comme les PLU, le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ou le PADDUC, opposables juridiquement aux personnes privées et publiques. Le portage devant le juge s’en trouverait renforcé.
Des échanges venant de l’auditoire, nous retenons le souci de tenir ensemble la nécessité d’une lutte locale et celle d’une lutte plus thématique et régionale. Le sort réservé au Tavignanu oblige à traiter des causes, c’est-à-dire de l’incapacité de mettre en œuvre un plan déchets en Corse. Pourtant les Lois, les règlements, les principes et les dispositifs d’action sont aujourd’hui bien connus.  

Enseignements des rencontres d’Aleria

La production de connaissances nouvelles dans et pour l’action.
Une autre manière de renforcer les positions citoyennes pourrait être d’engager un travail de recherche-action prenant pour objet le Tavignanu autour de l’Université de Corse. L’intérêt de recherches pluridisciplinaires, voire transdisciplinaires, serait d’intégrer l’ensemble des dimensions de l’écosystème, ses usages sociaux, économique et culturels. Mais quelle que soit la qualité des résultats de la recherche, notamment pour documenter les dossiers de justice – l’affaire de Ghjuncaghju en a révélé la nécessité -, l’effort n’atteindrait pas son objectif si les habitants, les usagers, en un mot le collectif de gestion du commun n’est pas associé d’une manière ou d’une autre à la production des connaissances.

Le particulier au service du général : vers une alliance des fleuves de Corse
D’autres fleuves ont été évoqués durant les ateliers. La nuisance est à chaque fois liée à l’enfouissement des déchets. C’est le cas du Taravu, mais la situation la plus inquiétante et certainement la plus douloureuse est celle du Rizzanesi. Ce sont les mêmes souvenirs d’enfance d’un fleuve libre et riche de sa biodiversité qui accompagnent les habitants de la vallée. Le centre d’enfouissement de Vighjaneddu agit comme un épouvantail et renforce le phénomène du « pas chez moi ». Un élu du village témoigne : « le centre d’enfouissement installé depuis 12 ans est depuis 2 ans arrivé à saturation. Il devait recevoir 450.000 tonnes, mais faute de solutions ont été rajoutées 220.000 tonnes. C’est devenu un dôme qui accueille pratiquement tous les déchets de la Corse. À 200 mètres en aval il y a un captage d’eau potable qui alimente Pruprià et Vighjaneddu soit 4500 foyers. »
Ici aussi, le choix de petits centres de traitement local de la biomasse présente pourtant tous les avantages, notamment la réduction des émissions extrêmement importantes liées à leur transport vers Vighjaneddu. Ce point relève de ce qu’il convient d’appeler une démocratie environnementale en termes de Droits et d’obligation des populations, qui doit s’exercer aussi par la répartition des nuisances. Aujourd’hui, la gestion du Syvadec conduit à faire supporter aux populations rurales la charge des déchets émis par les villes.
Une des façons de renforcer les Droits du Tavignanu et de ses habitants est également d’élargir la Déclaration par la signature d’autres collectifs représentant d’autres fleuves et rivières, et leurs bassins versants. L’horizon serait de manifester avec force aux corses et à ceux qui visitent leur pays, la volonté farouche de développer des activités de l’île, qu’elles soient sociales, économiques ou culturelles, autour de l’idée d’une « bonne forme environnementale, les fleuves comme nos veines ont une capacité à irriguer tout le corps de la Corse ».

Pour une démocratie environnementale
L’enjeu est de « changer de mode de gouvernance et de redonner le pouvoir aux usagers, aux riverains, aux communautés locales. On pourrait imaginer créer un parlement ou une assemblée du Tavignanu, mêlant usagers, élus, scientifiques, experts, avocats, juristes, pour veiller à ce que les intérêts du fleuve soient bien représentés et défendre les Droits en justice ». L’objectif est de passer un nouveau contrat, d’un contrat social à un contrat naturel. Le Droit de la nature est une des solutions. L’approche par les communs est un mode de gestion complémentaire du Droit. Des exemples dans le monde montrent la voie à suivre, la Mar Menor, plus grande lagune d’eau salée d’Europe, située en Espagne, a été légalement  reconnue comme personnalité juridique grâce à une initiative législative populaire en septembre 2022.

Le rôle d’une assemblée comme l’Accadèmia di u cumunu  
Il ressort des rencontres d’Aleria que les structures représentatives représentent insuffisamment les citoyens et leur milieu de vie. L’Accadèmia a proposé d’expérimenter une méthodologie alternative aux instances instituées, basée sur des ateliers qui à la fois décrivent, instruisent et recherchent des solutions (récit). Les enseignements du Tavignanu et des collectifs qui soutiennent son existence en tant que milieu habité et productif montrent que le Droit du vivant peut être nourri de l’établissement de communs en Corse. La visée de l’Accadèmia est de contribuer à l’émergence d’une démocratie environnementale selon le principe pragmatique de « l’usu face a lege ».
L’idée n’est pas de remettre en cause la démocratie représentative mais de prendre acte de son déficit démocratique au regard de l’acuité des crises écologiques. La stratégie de l’Accadèmia est d’agir en contrepoint par une démocratie contributive qui mobilise les désirs, les attachements, les connaissances et les aptitudes citoyennes à la construction de la chose commune. Le principe d’action est pragmatique : il s’agit de contribuer à la production de connaissances tant méthodologiques que cognitives dans et pour l’action. Dans ce sens, le dispositif de l’Attellu propose d’ouvrir des scènes d’apprentissages à de nouvelles formes de délibération inclusive des autres vivants. Le cas des fleuves de Corse est exemplaire du manque d’échanges entre les habitants de différents bassins alors que les problématiques sont similaires.  
Les transitions voire les bifurcations que les Corses doivent accomplir commandent la recherche de nouvelles méthodes de production des savoirs avec et pour les habitants, ayant pour horizon l’émergence d’une démocratie environnementale dont pourrait s’enorgueillir la Corse. 
 
Vendredi 2 Décembre 2022
Accademia di u cumunu