Promesses de l’élevage pastoral aux temps de l’anthropocène (partie 2)

Au temps de l’anthropocène et de ses conséquences (perte de biodiversité, risque incendie, appauvrissement des sols, nouveaux rapports au vivant...), les fondements traditionnels de l’élevage corse proposent de réelles opportunités de résilience. Les promesses seront tenues à la condition expresse d’un aggiornamento des rôles assignés à l’élevage et d’un réagencement de ses composantes pastorales - races, territoire, et savoir-faire. Jean-Michel Sorba a exposé dans un précédent numéro les causes et les effets du recul de l’élevage en Corse, il identifie ici quelques directions pour sa relance.



Évaluer l’élevage sans se tromper de performances!

Popularte 2025, oeuvre d'Alberto Ruce
Popularte 2025, oeuvre d'Alberto Ruce
Le recul général de l’élevage en France [1], notamment du pastoralisme, ne signifie pas son inutilité et encore moins le signe de sa disparition. Les bienfaits locaux et globaux de l’élevage pastoral sont bien connus. Le pastoralisme est un levier de la transition à plusieurs égards : une faible émission de gaz à effet de serre, l’utilisation de ressources spontanées avec captation de carbone, pression sur les maquis et lutte contre les incendies, préservation de la biodiversité, valorisation de milieux abandonnés, produits typiques... Selon les termes du GIEC, ces activités à main d’œuvre hautement qualifiée ne doivent pas être orientées vers la seule productivité mais pour leur capacité à la transition.
On le voit, face aux contraintes des transitions en cours et à venir, le caractère multifonctionnel de l’activité gagne en crédibilité. Si son attractivité demeure faible, son intérêt progresse auprès des élus locaux et d’une partie de la jeunesse agricole, rurale et même urbaine. Comment peut-il en être autrement? Pour reprendre possession de nos espaces, aucune activité humaine même très mécanisée, ne peut se substituer à l’animal.

S’agissant de la Corse, il ne peut y avoir de fin de l’histoire de l’élevage à moins de renoncer à vivre des ressources de ce pays. Car en effet, les faits sont têtus, la Corse est une ile méditerranéenne entourée d’eau où la pratique de l’élevage existe depuis le néolithique ancien. La cause du recul de l’élevage ne peut s’expliquer au motif d’une mauvaise représentation, ou d’une rhétorique identitaire. Elle s’objective en tout premier lieu par la complexité du travail pastoral et de l’isolement social. C’est-à-dire par la conduite d’animaux en milieu ouvert montagnard et méditerranéen. Le recul s’explique ensuite par l’emprise des modèles dominants en termes fonctionnel, cognitif et moral (mécanisation inappropriée, dépendance aux intrants, isolement cognitif). Une emprise qui détermine une conception du progrès qui met en insécurité toute alternative mobilisant les savoirs paysans.
L’anthropocène s’impose comme une formidable opportunité de casser la relation trompeuse entre tradition et modernité. Le nouveau paradigme suggère un tricotage patient s’appuyant sur des connaissances et des savoirs affranchis des anciennes polarités.

Le fait que les savoirs d'élevage soient en cours de délestage ne doit pas conduire l’analyste à les voir comme un archaïsme, un folklorisme ou une identité fantasmée. Bien au contraire ces savoirs sont à considérer comme une source d’inspiration. Le fait qu’ils ne soient pas formalisés en terme académique, selon une rationalité instrumentale, n’est pas la preuve de leur inexistence ou de leur inefficience.
Il faut avoir peu fréquenté l’intimité des relations qu’entretiennent en système pastoral les éleveurs avec leurs animaux pour les penser vides de savoirs. Par essence ces connaissances en action sont souvent discrètes et difficilement saisissables. Elles mêlent des compétences et des dispositions pratiques, cognitives, sensibles, affectives voire des croyances qui ne doivent pas les disqualifier car ce sont ces connaissances qui permettent de prendre distance vis-à-vis d’une « rationalité zootechnique » focalisée sur la seule rentabilité.

Si échec il y a, c’est bien celui des politiques publiques qui persistent, par effet de système, à évaluer les activités d’élevage au seul prisme de la rentabilité et de la productivité de l’exploitation voire de l’animal pris isolément. Rien d’étonnant à cela. La zootechnie classique a posé les grands principes de l’élevage industriel. S’il s’est adouci, le logiciel n’a pas changé, la discipline s’attache "aux méthodes d'amélioration individuelle des animaux, par le dressage et la « gymnastique fonctionnelle », à l’amélioration des races dans le cadre de stations expérimentales où l’animal est appréhendé comme une machine vivante à aptitudes multiples" (Landais, 1996).
Sont ainsi évacués les rapports sensibles entre l’éleveur et ses animaux. On code au lieu de nommer, on mesure les performances, on traque les animaux moins productifs, l’animal devenu objet de gestion est réputé sans intelligence, sans capacité d’apprentissage et d’interaction avec le troupeau et encore moins au contact de l’éleveur. Ces principes de la zootechnie classique enseignés dans les écoles d’agriculture condamnent la nature même des élevages pastoraux dont la particularité est de vivre en bonne intelligence avec les milieux.

Cela ne veut pas dire que la vocation productive est absente de la conduite pastorale, elle est simplement distribuée et donc évaluable sur plusieurs entités, l’animal, le berger, le milieu et le territoire. S’il est vrai que ces savoirs sont en train de se perdre, alors il convient de les vivifier sans les ringardiser.
Ce qui suppose de les transmettre au contact des animaux et des milieux, en situation, à l’extérieur de la salle de classe, selon les bases d’un nouvel enseignement fondé sur une éthologie dédiée aux animaux d’élevage conduits en milieu ouvert. L’évaluation des performances de l’activité change et prend pour objet d’autres composantes et d’autre objets d’analyse au moyen d’un dispositif comptable revu et corrigé.
 

[1] Sur la période 2010-2025, les élevages constituent plus des 2/3 des disparitions d’exploitations.
 

À l’heure de l’anthropocène, les composantes pertinentes de l’élevage corse

À la faveur des nouveaux enjeux de la biodiversité, de la diversification, de l’autonomie alimentaire des élevages et des sociétés humaines, de la sobriété vis-à-vis des activités carbonées, de la circularité entre production végétale et animale, du bien-être animal, de la quête d’une « vie bonne » en agriculture, le caractère pastoral constitue une alternative crédible. Les composantes pastorales de l’élevage corse qui trouvent une pertinence au sein du nouveau paradigme sont celles-là même qui ont servi à sa disqualification durant au moins tout le XXe siècle.

Une biodiversité domestique à valoriser
Longtemps marginalisées au motif de leur faible productivité, les races locales sont aujourd’hui reconnues comme part essentielle de la biodiversité domestique, au titre de l’aménagement de l’espace et de la spécificité de leurs produits. Il est utile de préciser que la Corse est l’une des très rares régions d’Europe où les races locales sont encore en production pour les principales espèces domestiques (vache, porc, brebis, chèvre, chevaux, abeille...). Ailleurs, ce sont souvent les conservatoires de races qui  permettent d’empêcher leur disparition [1].
En Corse, ce sont les éleveurs qui ont longtemps maintenu les populations en production sans dispositif spécialisé (station de sélection). Il faut rendre grâce aux organisations communautaires qui au fil du temps et de l’usage de milieux (châtaigneraies, chênaies, maquis, prairies naturelles), ont façonné et laissé en héritage cette richesse patrimoniale et économique.
Aux efforts du temps long, accomplis par les réseaux de bergers (gestion des généalogies, prêts de reproducteurs, estimation et sélection en situation) a suivi un effort collectif de sélection en station d’élevage (brebis corse dans les années 1980, écotype de l'abeille corse dans les années 1980/90, cheval, porc nustrale dans les années 90/2000...). Là encore les méthodes et leur efficience sont controversées et quelquefois faillibles, mais les organisations gestionnaires permettent de disposer aujourd'hui d’un pool de reproducteurs et des populations stabilisées.
On le voit, la race n’est pas un cadeau de la nature mais bien un construit bioculturel, la synthèse et le reflet des choix d’élevage, de ses périodes fastes et de ses régressions. En Corse, le choix s’est heureusement fait à l’opposé des races standardisées, sélectionnées en conditions contrôlées et orientées pour une production agroindustrielle, c’est-à-dire déliées des ressources de milieux spécifiques et situés.
 
De la reconnaissance des milieux-ressources
À la biodiversité quelquefois enchantée d’une certaine écologie, à celle normative des programmes ministériels, il s’agit de prendre au sérieux le caractère culturel de la biodiversité. L’élevage corse dispose d’atouts pour la dynamiser en valorisant une diversité de milieux (prairie, maquis, estives, forêts).
Il faut pourtant garder à l'esprit les effets des crises climatiques, l’irrégularité des ressources et la dépendance croissante aux concentrés alimentaires. L'anthropocène peut faire levier ou donner le « coup de grâce » aux activités d’élevage en Corse. La manière dont sont alimentés les animaux est sûrement le point le plus sensible et le plus controversé. Elle sonne comme un défi à la raison agronomique qui sépare trop souvent les ressources naturelles des ressources cultivées. Le défaut de rentabilité, de productivité et finalement de professionnalisme reproché aux éleveurs pastoraux de Corse se loge dans ce dualisme.
Dès l’Antiquité, les observateurs notaient l’étrange façon qu’ont les corses de donner une telle liberté de circulation à leurs animaux pour s’alimenter, propos récurrents véhiculés dans les récits de voyageurs et toujours présents aujourd'hui. Il est d'ailleurs fort probable que ce trait ait contribué très tôt à faire de l’élevage une dimension de l’identité des Corses. Le plus étonnant est que ce mode d’élevage soit toujours un point de cristallisation, qu’il soit encore perçu encore comme la manifestation d’un archaïsme devenu folklore local ou à l'opposé comme une singularité à préserver des relations homme/animal  (voir l'ouvrage L’élevage en Liberté).
On peut s’illusionner d’une révolution fourragère où le modèle de la brebis à l’herbe serait la norme de « l’élevage sérieux », d’un monde où le modèle Roquefort serait le seul élevage digne d’intérêt. Mais notre réalité est têtue, la Corse ne constituera jamais un vaste système herbager occupant l’ensemble de son territoire. Exit la figure de la vache normande, ruminant paisible des prairies vertes ! Le territoire montagnard de la Corse a besoin d’animaux pour pouvoir être encore habité par les hommes. Car seuls les animaux sont en en capacité de contrôler le flux et reflux millénaire d'une végétation particulièrement exubérante, un effort considérable que rend possible l’élevage.
Ce rapport aux milieux n’est pas si courant en Europe, il se fait même terriblement rare. Peu d’endroits brouillent avec autant de force le partage entre politique de préservation des milieux naturels et valorisation des milieux productifs. Ces entités vivantes et minérales, à la fois naturelle et domestique, qu’il convient d’appréhender et de reconnaitre comme des milieux-ressources, présentent la grande vertu de réconcilier les deux orientations. Pour peu que ces milieux soient mieux étudiés, compris, associés et valorisés (prairies naturelles, végétation semi-ligneuse, arbres, fruits, glands, châtaignes et faînes ...), la dépendance aux aliments concentrés des élevages pastoraux peut être réduite.
  • Une culture technique restant à formaliser et à enseigner
Conduire des troupeaux circulants en milieu ouvert, avec peu d'équipement (sans bâtiment d’élevage) et produire des aliments pour nourrir toute l’année des communautés particulièrement isolées suppose des compétences souvent cachées parce qu’intimement associées aux autres composantes vivantes du système (animaux, milieux et communautés) suppose des savoirs. La langue corse en restitue le sens et en garantie leur efficience cognitive et sensible. En cela la transmission des savoirs d'élevage constitue certainement la composante essentielle de la relance des élevages pastoraux.
Selon le logiciel dominant, cette « composante relationnelle » du système pastoral a longtemps été ignorée, faisant de l’élevage corse l’activité de l’ignorance. Nous ne revenons pas dans cet article sur les errances anciennes déjà décrites dans un précédent article. Retenons simplement que les savoirs du pastoralisme ne se réduisent pas aux descriptions mémorielles du temps jadis. Si elles sont utiles et sécurisent une identité pastorale, ces descriptions ne parviennent pas à rendre compte de la force des savoir-agencer qu’engendre le rapport singulier qu’entretiennent les éleveurs avec leurs animaux. Sans la culture technique qui associe milieu, race et territoire, le pastoralisme perd cohérence et cohésion.
 

[1] Il ne restait qu’une dizaine de truies de race basque lorsqu’en 1989 Pierre Oteza s’attache à la relancer en Pays Basque. On comptait encore à la même période plusieurs milliers de mères de race corse.
 

Les nouveaux territoires de l’élevage corse

Les éleveurs sont-ils toujours les bienvenus dans l’intérieur de la Corse ? La question mérite d’être posée lorsque l’on voit se réduire leur nombre dans les villages. Conséquence dommageable pour tous. À ceux qui critiquent la présence animale, il est vrai souvent rentière et quelquefois destructrice de l’espace, d’autres sont fondés à leur demander ce qu’il adviendrait des villages sans hommes et sans animaux pour les habiter.
Dire cela n’équivaut pas à donner un blanc-seing ; l’intention est seulement de rappeler que le pire pour la Corse est l’abandon de sa montagne. La nature ayant horreur du vide, on sait ce qu’il est advenu des campagnes désertées par les paysans du centre de la France, un vaste territoire spéculatif et privatisé.

Le territoire n’est pas réduit ici à sa gouvernance politique et à ses institutions. Il n’est pas seulement la circonscription qui convient pour transversaliser les politiques publiques. Re-spatialiser le territoire constitue un enjeu de planification, de zonage mais aussi d’exercice de l’activité pastorale. Il permet de concrétiser la multifonctionnalité du pastoralisme au niveau des pratiques et de la régulation des milieux-ressources que sont les espaces péri-villageois, les châtaigneraies, les chênaies ou encore les estives.
La « divagation animale » en est l’illustration parfaite et c’est un autre point de controverse lié à la présence de l'élevage dans les territoires. Le terme de « divagation » est au demeurant sujet à discussion. C’est bien le comportement de « l’animal ensauvagé » qu’il s’agit de réguler. Nous définissons ici le « sauvage » comme « l’animal qui n’est pas à sa place » ce qui traduit un défaut d’élevage et non une activité. La vache sur la route ou dans le jardin d’autrui est « sauvage », lorsqu’elle est dans le maquis, au sein du territoire pastoral réservé à son alimentation, elle ne l’est plus... 

Plusieurs initiatives sont prises par les territoires un peu de partout en Corse pour intégrer l’agriculture au projet de revitalisation villageoise ou de relocalisation alimentaire. Pour le moment, ces initiatives concernent surtout les productions végétales comme le maraichage ou la châtaigneraie, il semble que l’élevage soit moins inscrit dans les projets communaux de relance rurale. Pourtant, son emprise spatiale fournit un levier puissant de maîtrise et d’aménagement de l'espace. À cet égard, le stigmate de l’éleveur incendiaire encore très présent dans les années 1980 et 1990 semble s’effacer.
Plusieurs approches et fonctions sont susceptibles de renforcer l’intégration de l’élevage aux politiques territoriales de proximité, que ce soit la commune ou l’intercommunalité. L’objectif peut être de dynamiser l’emploi, de conforter l’aménagement ou des dispositifs anti-incendies, de préserver les milieux et la biodiversité [1], de soutenir une agriculture nourricière soit au moyen de la régie, de la location ou de la mixité foncière.

La grande nouveauté est d’ouvrir l’activité agricole jusqu’ici exclusivement gérée par les professions aux élus locaux voire aux citoyens. Ce mouvement lent de recherche d’une gouvernance territoriale inclusive des milieux de vie et des milieux-ressources va devoir composer avec les formes de gestion et les représentations quelquefois corporatistes du secteur.
La gouvernance territoriale des activités d’élevage pourrait alors être une réponse à la fragmentation et l’isolement des systèmes d’élevage et - pourquoi pas ? - la redécouverte des anciens communs villageois. Il est fort possible que l’intégration des enjeux productifs et non productifs - la fameuse prise en compte de la triple performance environnementale, économique et sociale -  soit mieux assurée dans le contexte insulaire par un croisement des approches sectorielles et territoriales.
 
Penser l’élevage au pluriel
Le « dénominateur commun pastoral » tel qu’il vient d’être présenté à partir de ses composantes ne doit pas regrouper trop rapidement les activités et les espèces animales. On se trompe toujours lorsque l’on parle de l’élevage corse en généralité. Selon l’accessibilité des ressources, chacune des espèces occupe un espace et une place assignées.
Cela situe bien l’utilité de raisonner la coexistence des différentes espèces à l’échelle d’un territoire. Un sacré changement pour la zootechnie qui pense encore trop souvent l’élevage sans son territoire et sans outil de planification. L’animal, le petit groupe et le troupeau, composent des nouvelles possibilités d’occupation du territoire.
Le changement de paradigme en cours explore plusieurs corpus proches de l’agroécologie comme l’agropastoralisme, l’agroforesterie, l’écopâturage, l’écobuage, lesquels autorisent une diversité d’occupation de l’espace par les animaux selon l’espèce et la taille des troupeaux (a banda, a greghja, a reffica). On relève quelques initiatives en Corse, la redécouverte des arbres et de leur production (frasca è frutta), des brebis sous les châtaigniers ou dans les vignes, etc.
Cela ne conduit pas à faire de tous les éleveurs des jardiniers de l’espace ni même des fonctionnaires de l’élevage...Les promesses du pastoralisme sont ailleurs. Elles mobilisent les anciennes manières de conduire et de travailler avec les animaux. Ce faisant, l’innovation change de terrain et de substance. Elle ne se limite plus au changement de « matériel génétique » ou de « dispositif de contention, au sein d’une « exploitation », elle sert une « agriculture vivante et viable » pour reprendre la formule de l’agriculture paysanne.
 
Ré-agencer plutôt que réinventer l’élevage corse
Le système pastoral tel qu’il s’est installé suite au recul des céréalicultures du début du XXe siècle n’a cessé de se fragmenter depuis jusqu’à mettre en doute son existence. Accepter et organiser le changement suppose de se défaire d’une série de fausses bonnes idées. La configuration figée du système d’acteurs et l’apathie qu’elle génère produit des solutions quelquefois passéistes, d’autres fois mimétiques ou pire des opinions qui dénient l’existence même d’un pastoralisme en Corse !
On aura bien compris que la cohérence des systèmes d’élevage pastoraux ne tient pas à l’application de récits mémoriels ni des doctrines de la zootechnie mais bien à la capacité politique et technique de relier les composantes qui comptent au regard des nouveaux enjeux. Il s’agit de ré-agencer ce qui donne sens au pastoralisme plutôt que de chercher à le réinventer. En cela, la relance du pastoralisme en Corse est redevable autant de la biodiversité des milieux que de la biodiversité culturelle.
 
De l’exception à l’exemple corse
La mutation que doit accomplir l’élevage français pour répondre à la nouvelle donne de l’anthropocène est considérable. Les Trente glorieuses agricoles constituent toujours le logiciel dominant au sein de la profession, les adhérences à l’ancien système sont régulièrement démontrées lorsqu’il s’agit de s’affranchir des pesticides et des engrais nécessaires à l’ancien modèle. À cela s’ajoute la distance croissante des mangeurs vis-à-vis des produits de l’élevage.
C’est bien à notre rapport au vivant que l’élevage peut apporter une réponse. Repenser la juste place dans l'espace territorial, des vaches, des cochons, des brebis, des chèvres et des ânes... définit peut-être la politique du pastoralisme corse de l'anthropocène.  Au moment même où les enjeux de transition s’imposent aux agendas, on constate une forte confusion des rôles entre les institutions agricoles insulaires. La planification d'un pastoralisme ré-agencé à l'usu corsu  peut être de nature à clarifier le cap et sortir l'élevage mais aussi la ruralité de sa trajectoire mortifère. À la condition expresse que la pluralité, la territorialité spatiale et la diversité des espèces, spontanées et domestiques, soient vues comme des ressources et non comme des archaïsmes ou des handicaps.
 

[1] Contrairement aux idées reçues, l’élevage joue un rôle positif reconnu vis-à-vis de la biodiversité pour plusieurs milieux (bocages, prairies, haies...).

 

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Dimanche 5 Octobre 2025
Jean-Michel Sorba