
Il suffit pourtant de s’écarter un moment du village, comme pour ces photographies prises dans les environs de Marignana ou en Castagniccia, pour comprendre que l’on est visuellement entré dans un monde singulier. Ici règne en maître un sentiment de liberté infinie. Il y a l’eau sans laquelle nulle végétation ne peut pousser, il y a l’air en telle abondance qu’il donne l’ivresse des espaces sans limites, il y a la lumière qui fait vibrer les couleurs.
Et puis il y a ces affleurements de pierre, ces branches, ces feuilles, ces ombres et ces trous de lumière. Il n’y a là d’autre logique que les hasards surprenants dont la nature est si prolifique, mais qui, avec la durée de la promenade, deviennent autant de fidèles compagnons et bientôt autant de rapports familiers avec une nature première.
C’est que l’œil, peu à peu, en vient à distinguer des formes dans cet invraisemblable désordre, à apprécier les envolées de branches tordues, vers le haut, à gauche et à droite. Le regard en vient à se demander pourquoi cette herbe haute rejoint un buisson dans un mouvement qui va en sens contraire, à étager les verts, les jaunes, les bruns, les rouges, les noirs profonds.
Et si le mur d’une maison vient à surgir dans le champ du viseur, l’œil tout étonné de cette brusque intrusion ne peut que constater tout ce qui sépare le maquis de la vie civilisée. On était jusque là dans le monde de l’infiniment spontané et voilà qu’arrive une construction avec toute sa rationalité, ses fonctions objectives, ses formes calculées, ses usages économiques.
Comme un machjaghjolu qui, cette fois, n’aurait rien à craindre ni de la police ni de la justice, il ne reste alors rien de plus pressant que de « prendre le maquis », et d’entamer une marche initiatique, une embrassade avec un milieu surprenant et généreux d’une liberté sans fin, pour le regard, pour la photographie.