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Machja, Natura Libera




Pour accompagner l'été, ses moments de détente, de balade ou de contemplation, le sociologue-photographe François Cardi nous propose un exercice du regard et de la pensée : regarder le maquis et son inextricabilité. Chercher à le cadrer, le circonscrire, le photographier, le définir. Accepter de ne jamais y parvenir tout à fait pour mieux appréhender sa liberté.



François Cardi
François Cardi
Photographier le maquis, c’est en quelque sorte renverser les formes en prenant le contre-pied de la vision habituelle de la Corse. Parmi les objets le plus souvent photographiés, le maquis occupe en effet une place minime. Bords de mer et couchers de soleil, ânes et cochons, villages ensoleillés ou enneigés, chemins de randonnée ou sentiers muletiers remplissent les pages des journaux et des guides touristiques. A l’inverse, la maquis est là, silencieux, à l’état d’événement  omniprésent en toutes saisons et invisible à force d’être trop vu ou trop rapidement vu ou encore trop négligé.

François Cardi
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Il suffit pourtant de s’écarter un moment du village, comme pour ces photographies prises dans les environs de Marignana ou en Castagniccia, pour comprendre que l’on est visuellement entré dans un monde singulier. Ici règne en maître un sentiment de liberté infinie. Il y a l’eau sans laquelle nulle végétation ne peut pousser, il y a l’air en telle abondance qu’il donne l’ivresse des espaces sans limites, il y a la lumière qui fait vibrer les couleurs.


François Cardi
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Et puis il y a ces affleurements de pierre, ces branches, ces feuilles, ces ombres et ces trous de lumière. Il n’y a là d’autre logique que les hasards surprenants dont la nature est si prolifique, mais qui, avec la durée de la promenade, deviennent autant de fidèles compagnons et bientôt autant de rapports familiers avec une nature première.


François Cardi
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C’est que l’œil, peu à peu, en vient à distinguer des formes dans cet invraisemblable désordre, à apprécier les envolées de branches tordues, vers le haut, à gauche et à droite. Le regard en vient à se demander pourquoi cette herbe haute rejoint un buisson dans un mouvement qui va en sens contraire, à étager les verts, les jaunes, les bruns, les rouges, les noirs profonds.


François Cardi
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Et si le mur d’une maison vient à surgir dans le champ du viseur, l’œil tout étonné de cette brusque intrusion ne peut que constater tout ce qui sépare le maquis de la vie civilisée. On était jusque là dans le monde de l’infiniment spontané et voilà qu’arrive une construction avec toute sa rationalité, ses fonctions objectives, ses formes calculées, ses usages économiques.


François Cardi
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Comme un machjaghjolu qui, cette fois, n’aurait rien à craindre ni de la police ni de la justice, il ne reste alors rien de plus pressant que de « prendre le maquis », et d’entamer une marche initiatique, une embrassade avec un milieu surprenant et généreux d’une liberté sans fin, pour le regard, pour la photographie.


Samedi 26 Juillet 2025
François Cardi


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