Robba
 



Caminendu



Campà è travaglià in paese, ghjè à spessu un sonniu. Ma pò esse bellu difficiule, soprattuttu per quelli ch'ùn ci sò stati allevati, è ancu di più quandu u paese s'hè viutatu assai. Eppuru, certi riescenu à cuncretizà u so prughjettu, senza ch'ellu sia un pichju senza lindumane. Alain Wagner è a so famigliuccia sò vultati in u so paisolu d'Orezza da fà cresce l'ortu è a vita. Ci contanu duie o trè cose di e so prove è di e so scelte.



Tomo Morita, Two Mountains, 2010
Tomo Morita, Two Mountains, 2010
Pour permettre aux citadins de vivre sans terre et de se délester des tâches primaires  - se nourrir, élever ses enfants, se soigner, prendre soin des anciens, construire sa maison... -, les villes demandent des ressources sans fin.
Cette délivrance serait le summum civilisationnel : plus on se ferait servir, plus on serait libre.
Si ce monde artificiel tient en équilibre, c’est grâce à la multitude de techniciens habilités, complexifiant toujours plus les choses, en les plaçant de plus en plus à distance, hors de notre pouvoir.
Il y a déjà huit ans, pour ma compagne et moi, naissait le désir de vivre autrement.
Sur les terres en sommeil de nos aïeux, nous avons fait fi des clichés, et nous nous sommes mis à bêcher et à questionner.
En prenant comme matrice principale non pas l’économie mondialisée dans laquelle il nous faudrait trouver une niche, mais le village comme début et comme fin en soi.
U paese comme centre de la subsistance, de la convivialité, de l’entraide et de l’autonomie.
« L'Orte di a Verdese » est la petite ferme que nous créons pas à pas.
Nos premiers soutiens ont été les habitants de la micro-région : la voisine, le cafetier, le bûcheron, l’agriculteur, le ferronnier, l’hôtelière, le chanteur, le menuisier, le cantonnier, la bergère, le grand-père, le chasseur.
Et même s’ils nous prenaient un peu pour des rêveurs, nous avons reçu un bel accueil.
Au-delà de ce que nous cherchons - des savoir- faire - nous intégrons les mœurs, les rites, les histoires, la langue. Tout ce que nous survolions en ne venant qu’en vacances.

A la recherche de la juste mesure

Une des grandes contraintes est la déprise démographique ; alors plutôt que de contourner ce problème nous nous sommes appliqués à trouver la juste mesure, à faire avec, de façon raisonnable.
Pour nous c’est la promesse de faire quelque chose de rustique, d’accessible et de reproductible.
On se réapproprie, on se trompe, on trie, on réinvente, on apprend sans cesse.
C’est le plus souvent à la main que nous réalisons les choses ; nous avons découvert que sur nos terrains escarpés, la houe, una spezia di zappa, était l’outil le mieux proportionné ; c’est aussi celui que l’on retrouve le plus, abandonné avec les jardins.
Aujourd’hui, plus d’un milliard de paysans dans le monde travaillent à la houe.
Il n’y a pas si longtemps en Occident, un humain pouvait faucher 5000 m2 de blé à la faux, labourer 500 m2 de terre à la houe ou couper cinq stères de bois à la hache, en une journée. 
Autant dire que cet humain pouvait largement produire des surplus.
Nous pensons que l’agriculture de subsistance est un outil pour vivre au village; elle permet entre autres, d’assurer le minimum, de dégager quelques bénéfices, d’améliorer la qualité de vie du groupe, et de prendre soin de son milieu. 

Rinvivisce

À l’automne, nous avons planté des oignons de Moita, des poireaux, des blettes ; semé des petits pois, du blé ; implanté des haies et de nouveaux fruitiers.
Ces jours-ci, Marianne s’affaire auprès des abeilles, c’est la visite de printemps ; elle prépare en parallèle son examen pour le CAP boulanger. 
De mon côté, je prépare les plants de patates douces, d’oignons de Siscu, de poireaux, tomates, aubergines, poivrons, persil, basilic, ciboule... Et toujours quelques essais, cette année ce sont les tamarillos, les chayottes, l’arroche.
Nous avons repris le petit marché de Pedicroce où nous vendons notre production.
Et entre ces activités, il y aura toujours un terrain à démaquiser et à clôturer.
 
Ces premières années passées nous permettent aujourd’hui de partager plus.
Dernièrement, une vingtaine de ruches sédentaires ont trouvé leur place sur la colline.
En ce moment, nous construisons un micro-fournil pour servir le pain aux habitants d’Orezza.
Et bientôt, avec quelques complices, nous irons jouer avec les enfants dans la forêt.

Quelle chance aujourd’hui, que les machines ne soient pas montées jusqu’ici.
Quelle chance que la Corse soit une île et une montagne en Méditerranée.
Quelle chance que les Corses n’aient jamais cessé de questionner leur rapport au monde et qu’ils aient choyé leur histoire et leur culture.
Car aujourd’hui, ici, nous pouvons revivre.

Sources et inspirations pour aller plus loin

Tempi fà  – Pierre-Jean Luccioni 
Le travail à la houe  - Gareth Lewis 
Les forestiers - Gérard Boutet 
La convivialité  - Ivan Illich
Terre et liberté  - Aurélien Berlan
La subsistance  - Maria Mies & Veronika Bennholdt
Lundi 1 Mai 2023
Alain Wagner


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