Jules, Carlos, Jean, Max (dit Max) Simeoni, né à Lozzi le 28 août 1929, est décédé à Bastia le 9 septembre 2023. Chacun sait qu'il fut, avec Charles Santoni, l’un des tout premiers leaders du régionalisme et du nationalisme corses contemporains.
Au demeurant, je ne voudrais pas parler que du militant et du dirigeant politique. Max fut frappé par la poliomyélite à l’âge de huit ans, ce qui le priva définitivement de l’usage de son bras gauche. Sa scolarité en souffrit quelque retard, mais il devint bon élève. Après son bac passé à Bastia en 1948, il part pour Paris, à la faculté de droit de la Sorbonne ainsi qu’à l’école supérieure de commerce, mais ne prend goût à aucune de ces formations.
Contre l’avis de son père, qui croyait son handicap physique insurmontable, Max s’inscrit en médecine à Marseille, soutient sa thèse en endocrinologie en 1959, puis s’installe comme généraliste à Bastia en 1962, bien avant d’être intégré à l’hôpital en 1979. Sa passion pour la médecine se reflétait dans son intérêt général pour les sciences, ainsi que dans un rationalisme exigeant que l’on retrouve dans ses analyses et attitudes politiques.
Un autre élément digne de considération est que son engagement politique fut loin d’être précoce. Son père, Ferdinand, avait été maire de leur commune de Lozzi de 1919 à 1944, de sensibilité dite gaviniste, c’est-à-dire plutôt au centre-droit. Jugé trop fidèle à Pétain, il dut abandonner la mairie à la Libération, sans avoir jamais incité ses trois fils à reprendre ce flambeau.
Au demeurant, je ne voudrais pas parler que du militant et du dirigeant politique. Max fut frappé par la poliomyélite à l’âge de huit ans, ce qui le priva définitivement de l’usage de son bras gauche. Sa scolarité en souffrit quelque retard, mais il devint bon élève. Après son bac passé à Bastia en 1948, il part pour Paris, à la faculté de droit de la Sorbonne ainsi qu’à l’école supérieure de commerce, mais ne prend goût à aucune de ces formations.
Contre l’avis de son père, qui croyait son handicap physique insurmontable, Max s’inscrit en médecine à Marseille, soutient sa thèse en endocrinologie en 1959, puis s’installe comme généraliste à Bastia en 1962, bien avant d’être intégré à l’hôpital en 1979. Sa passion pour la médecine se reflétait dans son intérêt général pour les sciences, ainsi que dans un rationalisme exigeant que l’on retrouve dans ses analyses et attitudes politiques.
Un autre élément digne de considération est que son engagement politique fut loin d’être précoce. Son père, Ferdinand, avait été maire de leur commune de Lozzi de 1919 à 1944, de sensibilité dite gaviniste, c’est-à-dire plutôt au centre-droit. Jugé trop fidèle à Pétain, il dut abandonner la mairie à la Libération, sans avoir jamais incité ses trois fils à reprendre ce flambeau.
De la conscience aux premiers engagements
C’est essentiellement après son bac que Max Simeoni est troublé par des expériences liées à la (dé)colonisation et à l’expérience de l’altérité : un voyage en Algérie, son cursus universitaire à Marseille, Diên Biên Phu puis la guerre d’Algérie. Son adhésion au récit de la nation française indivisible et civilisatrice s’en trouve perturbée.
Par la suite, diverses mobilisations initiées en Corse durant les années 1959-1960 – Mouvement du 29 novembre, groupement de défense des intérêts économiques de la Corse (DIECO), combat contre l’implantation d’un site d’expérimentations nucléaires à l’Argentella, etc. – renforcent sa conviction suivant laquelle la Corse était pour le moins abandonnée de l’État et mal défendue par ses notables.
Sa rencontre avec Paul-Marc Seta, auteur avec Yves Le Bomin d’un Manifeste sur l’autonomie interne en 1962, est déterminante dans la création à Bastia, en avril 1964, du Comité d’études et de défense des intérêts de la Corse (CEDIC). Le principe essentiel de ce qui n’est alors qu’un tout petit groupe était l’indépendance vis-à-vis des doctrines et partis existants.
Seta en est nommé président alors que Max en est le secrétaire général, mais le second est le seul à résider en Corse, et assume de fait la direction du CEDIC. Dès l’été 1964, les deux hommes préparent et publient le Manifeste du CEDIC pour l’ethnie corse, ethnie qui serait menacée de spoliation et de disparition.
Par la suite, diverses mobilisations initiées en Corse durant les années 1959-1960 – Mouvement du 29 novembre, groupement de défense des intérêts économiques de la Corse (DIECO), combat contre l’implantation d’un site d’expérimentations nucléaires à l’Argentella, etc. – renforcent sa conviction suivant laquelle la Corse était pour le moins abandonnée de l’État et mal défendue par ses notables.
Sa rencontre avec Paul-Marc Seta, auteur avec Yves Le Bomin d’un Manifeste sur l’autonomie interne en 1962, est déterminante dans la création à Bastia, en avril 1964, du Comité d’études et de défense des intérêts de la Corse (CEDIC). Le principe essentiel de ce qui n’est alors qu’un tout petit groupe était l’indépendance vis-à-vis des doctrines et partis existants.
Seta en est nommé président alors que Max en est le secrétaire général, mais le second est le seul à résider en Corse, et assume de fait la direction du CEDIC. Dès l’été 1964, les deux hommes préparent et publient le Manifeste du CEDIC pour l’ethnie corse, ethnie qui serait menacée de spoliation et de disparition.
Structurer le mouvement
Cependant, une nouvelle phase s’ouvre rapidement. D’une part, en juillet 1966, le CEDIC fusionne avec un autre groupe régionaliste – l’Union Corse l’Avenir –, fondé à Paris et marqué à gauche, pour créer le Front régionaliste corse. Toutefois, des divergences idéologiques et tactiques vont très vite générer des tensions puis la rupture entre les deux sensibilités.
D’une part, les anciens du CEDIC, fondent l’hebdomadaire Arritti en décembre 1966, dont Max Simeoni est le directeur de la publication en utilisant son premier prénom, Jules. D’autre part, en mars 1967 Max Simeoni se présente pour la première fois aux électeurs, à l’occasion des élections législatives. Les 3,6% des voix sur la circonscription (7% à Bastia) furent plutôt une bonne surprise, mais les scrutins suivants ne montrèrent pas la progression espérée. Enfin, toujours avec Max Simeoni à leur tête, les anciens du CEDIC créent l’Action régionaliste corse (ARC) et organisent leur premier congrès à Aléria le 3 septembre 1967.
D’une part, les anciens du CEDIC, fondent l’hebdomadaire Arritti en décembre 1966, dont Max Simeoni est le directeur de la publication en utilisant son premier prénom, Jules. D’autre part, en mars 1967 Max Simeoni se présente pour la première fois aux électeurs, à l’occasion des élections législatives. Les 3,6% des voix sur la circonscription (7% à Bastia) furent plutôt une bonne surprise, mais les scrutins suivants ne montrèrent pas la progression espérée. Enfin, toujours avec Max Simeoni à leur tête, les anciens du CEDIC créent l’Action régionaliste corse (ARC) et organisent leur premier congrès à Aléria le 3 septembre 1967.

Source : https://arritti.corsica/50-anni
Penseur et activiste
À compter de la fin des années 1960, Max Simeoni change de statut au sein du mouvement. Son frère Edmond, plus jeune et énergique, en devient la principale figure, et Max se concentre sur l’organisation interne. S’il faut se garder des simplifications excessives, le premier apparaît comme l’homme d’action, le second comme le théoricien. D’ailleurs, c’est bien Max qui consacre d’abord le terme de nationalisme, dans son célèbre éditorial d’Arritti, intitulé « je suis nationaliste corse », du 19 août 1973.
Après les événements de la cave d’Aleria et de la dissolution de l’ARC, en août 1975, Max Simeoni se concentre sur la défense de son frère Edmond, théoriquement passible de la peine de mort. Puis, après le verdict de juin 1976, il décide d’une action violente, alors qu’il n’avait cessé de mettre en garde contre les risques d’escalade.
Selon lui, il fallait répondre aux critiques des clandestins du FLNC, qui dénonçaient le légalisme des autonomistes, comme aux attentats des barbouzes de Francia, qui les touchaient régulièrement. Il fallait montrer qu’ils n’avaient peur ni de la prison, ni de la clandestinité, et étaient capables – s’ils le voulaient – de riposter à Francia.
La cible fut à nouveau une cave viticole, à Aghione, tout juste un an après l’assaut de la cave d’Aléria. Alors que les autres membres du commando étaient cagoulés, Max Simeoni reçoit la presse à visage découvert pour expliquer ses raisons et accuser le propriétaire Cohen-Skalli de graves illégalités, avant que les explosifs soient déclenchés.
Il prend la fuite plus d’un an, avec pour point d’orgue une apparition lors du congrès fondateur de l’Unione di u Pòpulu Corsu (UPC), le 14 août 1977. Max Simeoni se rend après avoir convoqué la presse, le 27 septembre 1977, et il est incarcéré à Bastia. Il reste trois mois en prison avant d’être libéré sous résidence surveillée.
Après les événements de la cave d’Aleria et de la dissolution de l’ARC, en août 1975, Max Simeoni se concentre sur la défense de son frère Edmond, théoriquement passible de la peine de mort. Puis, après le verdict de juin 1976, il décide d’une action violente, alors qu’il n’avait cessé de mettre en garde contre les risques d’escalade.
Selon lui, il fallait répondre aux critiques des clandestins du FLNC, qui dénonçaient le légalisme des autonomistes, comme aux attentats des barbouzes de Francia, qui les touchaient régulièrement. Il fallait montrer qu’ils n’avaient peur ni de la prison, ni de la clandestinité, et étaient capables – s’ils le voulaient – de riposter à Francia.
La cible fut à nouveau une cave viticole, à Aghione, tout juste un an après l’assaut de la cave d’Aléria. Alors que les autres membres du commando étaient cagoulés, Max Simeoni reçoit la presse à visage découvert pour expliquer ses raisons et accuser le propriétaire Cohen-Skalli de graves illégalités, avant que les explosifs soient déclenchés.
Il prend la fuite plus d’un an, avec pour point d’orgue une apparition lors du congrès fondateur de l’Unione di u Pòpulu Corsu (UPC), le 14 août 1977. Max Simeoni se rend après avoir convoqué la presse, le 27 septembre 1977, et il est incarcéré à Bastia. Il reste trois mois en prison avant d’être libéré sous résidence surveillée.
L'entrée dans le jeu institutionnel
En 1979, à l'occasion de l'assemblée générale de l’UPC, Max Simeoni préconise une distanciation plus nette vis-à-vis du FLNC, et le rejet de sa motion motive son départ du mouvement jusqu’en 1981. Néanmoins, il y retrouvera une position centrale après le retrait pour raisons médicales de son frère Edmond, en 1983.
Un an plus tard, Max Simeoni conduit la liste UPC pour l’Assemblée de Corse. Néanmoins, avec 5,19% des voix, son parti est dépassé de justesse par les soutiens du FLNC menés par Pierre Poggioli, et n’a plus que trois conseillers au lieu de sept, .
Dans un contexte tendu, Max Simeoni s’attache alors rapidement à retisser des liens avec l'autre grande tendance du nationalisme corse, solidaire de la violence clandestine. Cela se traduira par une alliance dénommée Per un avvene corsu, établie avant les élections régionales de 1986.
Dans un contexte tendu, Max Simeoni s’attache alors rapidement à retisser des liens avec l'autre grande tendance du nationalisme corse, solidaire de la violence clandestine. Cela se traduira par une alliance dénommée Per un avvene corsu, établie avant les élections régionales de 1986.
En 1989, s’ouvrent des perspectives nouvelles. D’une part, Max Simeoni est placé en troisième position sur la liste écologiste lors des élections européennes. Élu au Parlement de Strasbourg jusqu’à la fin de son mandat en 1994, il n’aura de cesse de dénoncer l’Europe des États comme « monstre congénital », négateur et destructeur de la diversité des peuples européens.

Source : https://multimedia.europarl.europa.eu/en/photo/portrait-of-mep-max-simeoni_NPC0033_Max_SIMEONI_002
À la même époque, Max Simeoni fait partie – avec José Rossi, Laurent Croce et Henri Antona – des quatre personnalités politiques insulaires régulièrement réunies au ministère de l’Intérieur pour discuter d’un nouveau statut pour la Corse. Il insiste spécialement pour que le projet de loi - qui sera présenté en novembre 1990 - inclue la reconnaissance du peuple corse, capitale pour tous les nationalistes. Si les réticences gouvernementales furent finalement surmontées, le Conseil constitutionnel censurera l’article 1er de la loi, qui reconnaissait l’existence du « peuple corse, composante du peuple français ».
En 1992, le retour politique de son frère Edmond impose de nouveau à Max un rôle moins éminent, même s’il est le candidat de la coalition Corsica Nazione aux législatives de 1993 dans la circonscription de Bastia, obtenant 14,37% des voix. Du reste, cette coalition se disloquera bien vite.
En vue des élections européennes de 1994, l’alliance avec les écologistes ne pouvant être renouvelée, en ultime recours Max Simeoni forme et conduit la liste du réseau des partis régionalistes et autonomistes de France, Régions et peuples solidaires. Cependant, le score est cruel : 0,39% des voix au niveau national et 10,92% en Corse.
En 1992, le retour politique de son frère Edmond impose de nouveau à Max un rôle moins éminent, même s’il est le candidat de la coalition Corsica Nazione aux législatives de 1993 dans la circonscription de Bastia, obtenant 14,37% des voix. Du reste, cette coalition se disloquera bien vite.
En vue des élections européennes de 1994, l’alliance avec les écologistes ne pouvant être renouvelée, en ultime recours Max Simeoni forme et conduit la liste du réseau des partis régionalistes et autonomistes de France, Régions et peuples solidaires. Cependant, le score est cruel : 0,39% des voix au niveau national et 10,92% en Corse.
L'impossible retraite
En Corse, le milieu des années 1990 est marqué par un affrontement fratricide entre groupes clandestins. Suite à un nouvel assassinat, celui de Christophe Garelli, survenu en août 1998, Max Simeoni soutient une initiative de recomposition du nationalisme opposé à la violence clandestine, U Rinnovu naziunale, dans laquelle il voulait que l’UPC se fonde.
Toutefois, d’autres dirigeants étaient plus réservés et Max Simeoni préfère quitter l’UPC, non sans mal. Il ira en justice pour faire reconnaître ses droits de fondateur du titre Arritti, et n’aura qu’une implication éphémère dans U Rinnovu.
L’année 1999 marque ainsi la fin de son parcours de dirigeant, mais pas celle de son engagement. Max Simeoni a continué à adhérer aux partis continuateurs de l’UPC, à participer régulièrement à des rencontres au niveau européen, telles celles du Centre international de formation européenne, et à s’investir dans des cercles de réflexion tels I chjassi di u cumunu .
Il est peut-être avant tout resté l’éditorialiste du journal qu’il avait fondé, Arritti. Deux jours avant son décès, il terminait son ultime billet, intitulé comme un symbole : « L’autonomie pour être maître de son destin ».
Toutefois, d’autres dirigeants étaient plus réservés et Max Simeoni préfère quitter l’UPC, non sans mal. Il ira en justice pour faire reconnaître ses droits de fondateur du titre Arritti, et n’aura qu’une implication éphémère dans U Rinnovu.
L’année 1999 marque ainsi la fin de son parcours de dirigeant, mais pas celle de son engagement. Max Simeoni a continué à adhérer aux partis continuateurs de l’UPC, à participer régulièrement à des rencontres au niveau européen, telles celles du Centre international de formation européenne, et à s’investir dans des cercles de réflexion tels I chjassi di u cumunu .
Il est peut-être avant tout resté l’éditorialiste du journal qu’il avait fondé, Arritti. Deux jours avant son décès, il terminait son ultime billet, intitulé comme un symbole : « L’autonomie pour être maître de son destin ».